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Anne Calas Be nice

Dis, hein —


C’est toi toujours une belle occurrence
           Ralentie           des établis de genêts
Luminosité d’un silence épris
Janus pour en parler s’appuie
sur la nuit noire — il vient
des hommes et de leur propre abord
Limite — ébranlement. Trouble
fertilisant. Béliers aux cornes douces           dans
les rangs de lavande
                      Ciel gris            sur un plateau de brume
Garantie de grenades lavées, dégoupillées
Azotes et cendres aux franges des
chemins. Iris — je voyais pourtant
les filets et les soies, les ingrédients
de la grande patience, céréales sauvages
graines.           Fortune en proie à la pluie
incessante. Bretonne vauclusienne fine
manne fertile, odorante, flore des asphodèles
divinités étendues à la terre éclatée



Belles de onze heures — elles se penchent
leurs cuisses humides tendrement
print print encre du ciel descendue
en courtoisie trois couleurs mésanges
Conviction de souffles paroissiens
siècle de dés, d’angles et parnassiens
flacons, cartouches dans leurs manches
azurées — leurres et mutineries, transe à faire
pâlir la surface d’un plan de vagues
Inclinée au couchant bruyant pourtant
la photo est beaucoup plus grande, le
regard en attendant — qui ne déteste pas
la pluie. Insolitude repérée, confiée.
La folie tremblée. Sarcophage de l’au-
delà, ce rétrécit — d’ysle. Tout est mi
nuscule, donne le la de là. Ici. Le merle
chante pourtant. Les femmes dansent
à l’écran bleu. Sourire béat cuisses,
fesses, paillettes et sexes embrasés — la
porte claquée sur le néant des draps



Retourner à Sorek et aimer une
femme — de la chair fraîche de la chair fraîche !
torrent fertile, huiles, encens et
terminer deux lignes — ou trois
Portes closes et volets tirés à-demi
dormir sur tes genoux affolés
de sève printanière
tourner la meule, piocher ma solitude
et laisser le jardin à son désordre
adolescent

Collectif festif méditatif
Moteur d’une poésie fréquentant les
multiples
Exemples enfantins — des jeux
et du langage conserver le
vertige hallucinant des
spectacles admirables qui parcourent
les apprentissages, les mémoires les
disparitions [volontaires]
les tissus dont on fait les romans

Je me souviens d’Amazing lane, l’idée
m’effleure d’y retourner, d’y creuser le
béton. D’insolites ferveurs me blessent
au thorax à l’heure où la syllabe plonge
où je déteste alors les livres — mais les mots
ni l’encre non plus. D’iris           Drogues
n’osent rien sinon qu’elles
sachant haïr la loi et guider le
chagrin. Milieu du gué pour le printemps
— les lauriers ont [gelé]






Hommage ô mages


Toujours à bon escient les hommes sont en veille
Moteur et désirant les lieux du laisser-être
Aussitôt fait — des ailes et des demains visages
Actionnant psalmodiant soulevant tôt les jupes
Répétant à l’envi que le tonnerre les blesse
Et ce matin poignant par l’objet de ses laisses
Je partirai le cœur content l’âme en cartouche
La lampe et le pays actionnant les combats
Peignant encor l’azur pour me jeter des ponts
Et ma lampe et ma hampe et ma hanche blessées
Fleur chinoise de l’adolescence enfiévrée
Et toute la Provençale certitude — ah !
Voilà l’ombre appuyée du magicien transi
Voilà la femme à prendre voilà l’irrésistible
L’extrême vanité d’un printemps sans musique
Les filles symétriques les bals et sables blêmes
Le suivi des absences — pâleur de chasteté
Passeurs de vanité précurseurs de savoir
Venez ! Venez les chœurs dénuder les chansons
Hommage hommages ô mages une aube suit la mienne
Mes nuits trouées mes jours cloués sous la beauté
Sauvage et les calanques amères. Nuitamment
J’apprends le sabre j’applique à blanc l’archi-zone
J’ai tout lieu de penser que l’espérance à prendre
Est à laisser — plus loin sur le flanc des ravines
J’ai tout lieu de saisir l’homme-orchidée brandie
Chevauchant le néant à l’ombre de Shiva
Rendant plausibles l’art et le rêve et la chute



Une dentelle, un blasphème et le soleil
enfin monte monte                                 monte
Point de fuite de pleine candeur folle — il vient
ouvrir le jour sur une paix entière
sans nuances sans artifices seulement
qui serait de son temps

Incontrôlable fenêtre au ventre
                      Lit — une chaise — un broc
Velours de coquillage simple
,           poulpe
                      douceur de ton bras sur ma bouche
                      de ta main aux lisières de
                                 ce jour admirable de
                      ton dos d’homme — dormant



*


Be nice — et la patience crépue 
s’enfoncera dans le profond du bleu

Dans le champ du chant plein à
folie des saisons jaunes — et des paons


*


Et d’un manque cruel
pourtant naîtra le pas des moines bleus

sur le sentier — à l’arrière — là où
les militaires ont perdu leurs vertus


*


Le sauvage le poème respire le grand
large et le vent du Levant, s’é

broue se cabre il s’arrime
à ma croupe légère


*


Pour deviner ce qui viendra — ce
que pourront les voiles blanches

les chamanes hirsutes dansant à
la lanterne de la cage


*


Il faudra d’autres mains ouvrant
les volets de la nuit

D’autres chants pour la note
du petit-duc — est-ce un mi ? demande-t-on 


*


D’autres fièvres et d’autres inquiétudes
d’autres aguets d’autres

baquets d’eau fraîche attendant d’être
saisis pour la vaisselle


*


D’autres ports, d’autres campings sauvages
d’autres palmiers au bord d’autres rivages

d’autres méditerranées
d’autres missiles attendant aux collines


*


Torchon de lin, un pot de Nescafé
sac en papier contenant une pêche blanche

toi, mon amour assis — nu et
lisant dans le levant d’un matin clair






Anne Calas. Comédienne, chanteuse et poète. 2009, Chroniques d’ici (livre-cd) ; 2011, La Logique de l’escargot (livre-cd, Janninc). Po2SIE /2014, Littoral 12 (Flammarion) ; une, traversée avec Yves di Manno et honneur aux serrures (Isabelle Sauvage). 2019, Déesses de corrida (Poésie Flammarion). Depuis 2015, anime en Provence Le Grand Sault, lieu de résidences et de rencontres littéraires et artistiques.
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Ce numéro a été édité à titre d'invité par Auxeméry.
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